Les extraterrestres devenus lobbyistes engagés – l’histoire d’une initiative cantonale historique
Nous sommes début août 2021 dans un quartier de Sion, à l’aube d’une belle
journée d’été ensoleillée et chaude. Durant une conversation a priori anodine au coin d’une rue bruyante, alors que j’évoquais les premiers traits d’une initiative cantonale «vélo» en Valais, un député me qualifia d’extraterrestre et soutenait qu’une telle initiative n’obtiendrait jamais 100 signatures dans «notre Vieux Pays». Défi relevé !
Moins de quatre mois plus tard, le rendez-vous était donné dans une ancienne chapelle de Sion, devenue salle communale (en Valais, il est parfois préférable d’aller à la chapelle avant d’entreprendre quelque chose avec ou pour le vélo !).
Un comité interpartis, porté par une large alliance pour le vélo (PRO VELO Valais/Wallis, ATE, PRO VTT et Fédération cycliste valaisanne) s’était alors donné pour mission de récolter 4000 signatures en un an.
Les enjeux de l’initiative cantonale
Notre initiative cantonale «vélo» avait pour but de demander au Grand Conseil valaisan d’élaborer une loi cantonale pour la mobilité douce quotidienne.
En Valais, seule une loi sur les itinéraires de mobilité de loisirs existait à l’époque, jugée suffisante par la majorité car le vélo, on le sait, est une activité qui ne se pratique que le dimanche, avant l’apéro.
Afin de conférer une base légale au trafic cycliste quotidien, notre comité d’initiative énuméra trois conditions qui allaient devoir ensuite figurer dans cette loi:
- la promotion et le développement de la mobilité cyclable quotidienne ;
- la concrétisation d’une stratégie sur l’ensemble du canton visant notamment à augmenter significativement la part modale des déplacements cyclables ;
- la création d’un réseau cantonal de voies cyclables.
Un engouement ( re )marqué pour la mobilité douce
Après un début de récolte plutôt poussif durant les mois hivernaux, les signatures commencèrent à s’additionner de manière exponentielle avec l’arrivée des beaux jours de printemps. Les nombreuses courses et activités en Valais (Tour des Stations, Tour de Suisse, Tour de France, Ride the Alps, SlowUp, bourses aux vélos…) permirent d’atteindre un grand nombre d’adeptes de la petite reine.
L’engouement était perceptible, et les événements de récolte prévus purent être revus à la baisse, tant les bulletins pullulaient dans notre case postale. Ainsi, au début de l’automne 2022, la garantie des 4000 signatures validées fut atteinte.
En novembre, le Comité d’initiative déposa fièrement à la Chancellerie cantonale les 4801 signatures récoltées dans 103 communes valaisannes.
On était bien loin des 100 signatures ironiquement évoquées par le député 15 mois plus tôt…
La loi cantonale élaborée en parallèle
Hasard du calendrier politique, le Grand Conseil travaillait en 2022 sur la révision de la loi cantonale sur les transports publics. Cette révision découlait d’une motion acceptée en 2020 et poursuivait des buts similaires à ceux de notre initiative cantonale.
La pression démocratique créée par le lancement de notre initiative se faisait sentir: soudainement, PRO VELO était invité en séance de commission pour proposer des amendements allant dans le sens des exigences de notre initiative.
Mieux, le Grand Conseil ajouta même 1,2 million de francs pour la mobilité douce au budget, alors que le chef du département chargé de la mobilité s’y était pourtant montré défavorable.
Après l’acceptation de quelques-uns de nos amendements, la nouvelle loi fut adoptée en septembre 2022 par le Grand Conseil et prit le nom de « loi sur les transports publics et la mobilité douce quotidienne» (LTPMDQ).
Quant au Conseil d’Etat, il avait lui aussi demandé d’intégrer des principes de mobilité douce quotidienne dans ce nouveau texte législatif.
En Valais, 2022 fut sans aucun doute une année faste pour le vélo : mars, le Parlement fédéral adoptait la nouvelle loi sur les voies cyclables; septembre, le Grand Conseil valaisan votait la LTPMDQ et novembre, notre initiative cantonale «vélo» était déposée.
L’imbrication de l’initiative dans les lois cantonale et fédérale
Cette constellation et cet apport tripartite – loi fédérale, loi cantonale et initiative cantonale – ont permis d’obtenir des résultats honorables et bien peu envisageables il y a une année encore, offrant ainsi l’élaboration de bases légales pour la mobilité douce quotidienne en Valais.
En effet, la pression démocratique et le lobbyisme de PRO VELO ont eu un impact sur la loi cantonale qui elle-même se voit encadrée et complétée par des exigences de la nouvelle loi fédérale.
Il incombe désormais à notre canton d’élaborer un réseau de voies cyclables, porté par un plan directeur rendu contraignant par la loi fédérale.
La collaboration avec des tiers, telle l’association PRO VELO Valais/Wallis, est aujourd’hui possible, et les communes (en Valais trop souvent peu enclines à développer un réseau de voies cyclables) se voient plutôt reléguées à l’arrière-plan.
Le canton aura la main et pourra, grâce à la nouvelle loi, subventionner jusqu’à 50% du coût des infrastructures communales (plans et réalisation).
Notre initiative cantonale réussie place aujourd’hui PRO VELO Valais/Wallis comme lobbyiste principal de la mobilité douce quotidienne sur la scène politique valaisanne.
Elle a permis de créer des liens constructifs avec le Service de la mobilité du canton et de faire taire les critiques d’une frange politique militante du tout-à-la-voiture devenue aujourd’hui, à son tour, un peu extraterrestre !
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